La nouvelle qui m’est restée en travers de la gorge cette semaine, c’est celle de ce chauffeur d’autobus scolaire qui a empêché une fillette de lire dans son autobus sous prétexte que c’était dangereux.
Oui, mesdames et messieurs. Lire dans un autobus, c’est dangereux.
La deuxième nouvelle qui m’est restée dans la gorge c’est d’apprendre que les responsables de la commission scolaire ont soutenu le chauffeur en question dans sa décision, sous prétexte qu’il est maître à bord de son autobus.
J’en suis restée pantoise, bouche bée, sidérée.
En résumé, on se trouve avec un homme d’une soixantaine d’années, qui cumule une longue expérience en tant que chauffeur et qui interdit soudainement à une fillette de lire pendant le trajet en autobus parce qu’un autre enfant, curieux, pourrait avoir l’idée de se lever et de se pencher par-dessus son dossier de siège pour voir ce que cette fillette est en train de lire. Résultat : en cas d’accident, l’enfant trop curieux pourrait se faire éborgner par un coin de livre.
Je peux citer bien des choses ou des comportements qui peuvent être dangereux dans un autobus transportant des écoliers, comme porter des tresses ou longues boucles d’oreille par exemple, d’un coup qu’un garnement voudrait tirer dessus, ou les boîtes à lunch, les sacs à dos, les cellulaires. Imaginez, un coup de frein brusque et voilà votre p’tit bout de chou éborgné par le coin de sa boîte, de son sac ou de son cellulaire.
Le livre diabolisé
Je suis capable d’imaginer un accident causé par tous ces objets (et c’est sans parler des enfants eux-mêmes parce qu’en cas d’accident, un corps d’enfant qui r’ vole sur un autre, ça fesse pas mal plus qu’un coin de couverture de livre), alors pourquoi ne sont-ils pas interdits, ces objets ?
Ça fait au moins 100 ans que des enfants se font transporter dans des autobus et ça fait au moins 100 ans que des enfants lisent dans des autobus. Qui a déjà entendu parler d’un enfant blessé pour avoir lu dans un autobus ?
Après un ministre de la culture qui a dit tout haut ce qu’une grande partie de la société pense tout bas, soit qu’aucun enfant ne meurt de ne pas avoir assez de livres, voilà qu’on en est rendus à une diabolisation du livre, comme dans Fahrenheit 51, ce film qui montre une société qui a tellement peur de la connaissance que les livres y sont interdits.
La peur de lire
Dans la réalité, on se trouve dans une société à moitié analphabète qui se plaint que ses jeunes ne lisent pas assez et qui permet qu’un chauffeur d’autobus scolaire empêche une fillette de lire en autobus.
Sérieux, si vous aviez un enfant, et si cet enfant profitait de son trajet en autobus scolaire pour lire, et s’il y avait un accident et que votre enfant se faisait éborgner dans cet accident, vous viendrait-il à l’esprit de blâmer le chauffeur, à moins bien sûr que l’accident soit de sa faute, mais là encore, vous ne le blâmeriez pas pour avoir laissé votre enfant lire, mais pour avoir mal fait son travail, non ?
C’est lamentable qu’un homme prenne une telle décision, mais c’est encore plus lamentable que des responsables d’une commission scolaire approuvent cette décision.
On n’est pas tannés d’être aussi épais ?
J’ai généralement tendance à rêver. Je suis une idéaliste et je rêve depuis longtemps d’un Québec articulé, juste et visionnaire. Mais quand je lis ce genre de nouvelles, mes rêves prennent un coup de vieux et je me dis que, ben oui, la niaiserie va vraiment finir par gagner.
Puisqu’on la laisse faire.
(Photo: Stockbyte)
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